Le 24 octobre 2012, Statistique Canada a publié deux documents analytiques sur les résultats du recensement de 2011 en ce qui concerne les caractéristiques linguistiques des Canadiens. Voici les faits saillants de ces documents :
Caractéristiques linguistiques des Canadiens
Le français et la francophonie au Canada
Mises en garde de Statistique Canada sur la comparabilité des données
Statistique Canada a formulé des mises en garde concernant la comparabilité des données du recensement relatives à la langue. En voici l’essentiel (nous avons ajouté les caractères gras) :
Pour la première fois en 2011, trois questions sur la langue ont été posées dans le questionnaire du recensement qui a été distribué à 100 % de la population, c’est-à-dire la connaissance des langues officielles, la langue parlée à la maison et la langue maternelle.
Les données linguistiques et les analyses publiées pour tous les recensements depuis 1996 étaient fondées presque exclusivement sur les réponses obtenues du questionnaire du recensement complet distribué à 20 % de la population.
L’évaluation des données portant sur la connaissance des langues officielles et la première langue officielle parlée indique qu’elles sont comparables à celles des recensements antérieurs.
Toutefois, Statistique Canada a constaté des changements dans la façon dont les Canadiens ont répondu aux questions sur la langue maternelle et la langue parlée à la maison. Ces changements semblent émaner des modifications apportées au positionnement et au contexte des questions linguistiques dans les questionnaires du Recensement de 2011 par rapport aux recensements antérieurs. Il en résulte que les Canadiens semblent avoir été moins portés que lors des recensements antérieurs à déclarer une langue autre que le français ou l’anglais comme seule langue maternelle, et plus enclins à déclarer plus d’une langue maternelle et plus d’une langue d’usage à la maison.
Il n’est pas inhabituel dans la recherche par enquête d’observer des changements dans les façons dont on répond aux questions lorsqu’on apporte des modifications à un questionnaire et, tout particulièrement, des modifications au contexte dans lequel s’insère une question.
Les utilisateurs de données sont invités à la prudence dans l’évaluation des tendances se rapportant à la langue maternelle et à la langue parlée à la maison lors de la comparaison des données du Recensement de 2011 aux données des recensements antérieurs.
La publication à venir intitulée Document méthodologique sur les données linguistiques du Recensement de 2011 contiendra une analyse détaillée des facteurs ayant une incidence sur la comparabilité des données sur la langue entre les recensements.
Quelques commentaires et réactions
Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA)
La FCFA a réagi à la publication des résultats du recensement au moyen d’un communiqué dont voici des extraits :
« Comment se porte le français au Canada? Ça dépend quel chiffre ou pourcentage on regarde. Certains retiendront qu’au niveau de l’usage du français au Canada, les tendances sont à la baisse. Pour nous, considérant qu’on compte maintenant presque 2,6 millions de personnes qui parlent français à l’extérieur du Québec et que plusieurs de nos communautés montrent une croissance, il serait difficile de ne pas trouver des bonnes nouvelles dans les données qu’on a reçues ce matin », déclare la présidente de la FCFA, Marie-France Kenny.
Pour l’Alberta, la Colombie-Britannique, les trois territoires, Terre-Neuve-et-Labrador et l’Ontario, les nouvelles sont généralement bonnes : la population de langue française augmente et les francophones sont plus nombreux à parler français à la maison. Au Manitoba et en Saskatchewan, les chiffres et les proportions demeurent relativement stables. Au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à l’Île-du-Prince-Édouard, les nombres accusent une légère baisse. « Est-ce que ça veut dire qu’on a réglé tous les problèmes? Bien sûr que non; le défi de vivre en français demeure considérable pour un grand nombre de francophones. »
Ceci dit, les données montrent à quel point la francophonie, et les façons de vivre en français, ont changé depuis 40 ans. « On ne peut plus, en 2012, limiter notre conception de la francophonie à ceux qui ont le français comme langue maternelle. De plus en plus de gens de langue française qui vivent dans nos communautés ont une autre langue maternelle. Traditionnellement, on les appelait des allophones, mais eux se considèrent francophones et nous aussi », souligne Mme Kenny.
La Fédération tient également à apporter une nuance importante par rapport aux chiffres sur la langue parlée à la maison. « On fait beaucoup de cas du nombre de francophones qui parlent français le plus souvent à la maison, mais on oublie tous ceux qui le parlent régulièrement à la maison en combinaison avec une autre langue. Ce sont souvent, par exemple, des gens qui ont un conjoint de langue anglaise, mais leurs enfants vont à l’école française et ils seraient très surpris de se faire dire que plusieurs les considèrent comme perdus pour la francophonie », indique Mme Kenny.
Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO)
Par voie de communiqué, l’AFO a publié une déclaration de son président, Denis Vaillancourt, dont voici des extraits :
« Ce recensement met en évidence l’évolution sociolinguistique dans notre province et l’état de notre langue en Ontario. Nous nous réjouissons qu’à l’extérieur du Québec, plus des trois quarts de ceux qui parlent le français à la maison vivent en Ontario et au Nouveau-Brunswick. Concernant la langue parlée le plus souvent à la maison, on note une augmentation de 4,7 % en 2011 par rapport à 4,5 % en 2006, et pour la langue parlée à la maison sur une base régulière de 2,0 % en 2011 comparé à 1,8 % en 2006. Cette tendance doit se maintenir et impérativement augmenter pour les prochaines années. »
L’AFO estime qu’il reste encore des défis liés à l’apprentissage de la langue seconde et à l’accès à l’éducation postsecondaire en français, notamment dans la région du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario. Elle rappelle également que la société francophone en Ontario évolue, elle est plurielle et riche de sa diversité culturelle. « Il faut redoubler d’efforts pour une intégration réussie des familles immigrantes. […] Nos paliers gouvernementaux doivent s’assurer d’un équilibre entre l’immigration de pays francophones et celles des autres pays. ».
« Ces chiffres démontrent qu’il faut continuer de travailler fort pour créer des conditions optimales en matière de vitalité langagière et pour notre pleine continuité linguistique en Ontario. La responsabilité des paliers gouvernementaux à ce sujet reste entière, notamment au fédéral dans une perspective de dualité linguistique canadienne ».
« Indigestion de chiffres »
Dans un éditorial paru dans Le Droit d’Ottawa le 25 octobre 2012, Pierre Allard considère que :
« Pessimistes et optimistes auront de quoi se mettre sous la dent, même s’il apparaît que l’assiette des premiers est nettement mieux garnie. […]
« L’un des problèmes de fond, c’est que pour en arriver à une juste appréciation de la dynamique linguistique au pays, aucune des questions posées par Statistique Canada n’est satisfaisante. Un individu de langue maternelle française peut être anglicisé… ou pas. L’anglais comme langue d’usage peut parfois indiquer la présence d’un conjoint anglophone… et rien de plus. Et la connaissance du français par un nombre croissant de non-francophones ne démontre en rien le niveau d’usage qu’ils peuvent en faire.
« Pour brosser un tableau linguistique et culturel absolument convaincant, il faudrait joindre aux données du recensement des statistiques sur la consommation de produits culturels de langue française […], sur la langue de travail et sur l’utilisation de services publics et privés en français […] à travers le pays. C’est un défi que pourrait relever Statistique Canada s’il en avait les moyens. Mais avec ce gouvernement, peut-on espérer pareille entreprise dans un climat de coupes sauvages?
« Malgré tout, les données du recensement 2011 confirment l’évolution du combat inégal que mènent les deux langues officielles dans les régions du pays où elles se côtoient et encore davantage, dans les régions où le français est fortement minoritaire. […] À Ottawa, la proportion des francophones selon le critère de la langue le plus souvent parlée à la maison a chuté sous la barre des 10 % pour la première fois de l’histoire. […]
« Ce recensement servira sans doute d’arme à un peu tout le monde, et sera manié gauchement par plusieurs. Dans un premier temps, espérons qu’il serve surtout à des cohortes de chercheurs sérieux qui pourront, au fil des semaines et des mois, nous offrir des analyses éclairées et dénuées de partis pris excessifs. Il en va un peu de notre avenir. »
Autres renseignements
Pour une perspective plus large sur les données linguistiques du recensement, un article du journal Le Devoir qui affirme que « Nul pays au monde ne produit plus de données linguistiques que nous » reste toujours d’actualité, même s’il est paru en 2002.