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Rapport annuel
- Mai142015
Admission d’élèves dont les parents ne sont pas des ayants droit : il faudra attendre une nouvelle décision des tribunaux
Le 14 mai 2015, la Cour suprême du Canada a rendu son jugement dans l’affaire Commission scolaire francophone du Yukon c. Yukon. Dans ce jugement unanime, la Cour rejette l’appel de la Commission scolaire et ordonne la tenue d’un nouveau procès, mais elle définit clairement la question sur laquelle celui-ci devra porter.
Après un rappel du contexte de l’affaire [§ 1-19], l’essentiel du jugement [§ 20-62, sur un total de 78 §] porte sur la question de savoir si le juge du procès en première instance a fait preuve de partialité envers la Commission scolaire, comme l’a conclu la Cour d’appel du Yukon. Revenant sur plusieurs incidents survenus pendant le procès, la Cour suprême conclut, comme la Cour d’appel, que « tous ces incidents amèneraient une personne raisonnable et bien renseignée à estimer que le comportement du juge du procès fait naître une crainte raisonnable de partialité ». Par contre, la Cour d’appel a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que l’exercice, par le juge du procès, de la fonction de gouverneur de la Fondation franco-albertaine contribuait largement à une crainte raisonnable de partialité, car « l’appartenance à une association affiliée aux intérêts d’une race, d’une nationalité, d’une religion ou d’une langue en particulier ne peut servir de fondement […] pour conclure raisonnablement qu’il y a apparence de partialité » [sommaire de l’arrêt].
Sur le fond de l’affaire, la Cour suprême rappelle qu’il « ne fait aucun doute qu’une province ou un territoire puisse déléguer à une commission scolaire la fonction de fixer les critères d’admission à l’égard des enfants de non-ayants droit » [§ 69]. L’Ontario et le Manitoba ont conféré aux écoles un vaste pouvoir discrétionnaire en la matière, mais d’autres provinces ont imposé des limites à ce pouvoir. « En l’espèce, toutefois, le Yukon n’a pas délégué à la Commission la fonction de fixer les critères d’admission des enfants de non-ayants droit. À défaut d’une telle délégation, la Commission n’a pas le pouvoir de fixer unilatéralement des critères d’admission différents de ceux établis dans le Règlement [du Yukon]. La Commission n’est pas pour autant empêchée de faire valoir que le Yukon n’a pas assuré suffisamment le respect de l’article 23, et rien ne l’empêche de soutenir que l’approche adoptée par le Yukon à l’égard des admissions fait obstacle à la réalisation de l’objet de [cet article]. Mais il s’agit là d’une autre question que celle de savoir si la Commission a, en l’absence d’une délégation de la part du Yukon, le droit unilatéral de décider d’admettre d’autres enfants que ceux visés par l’article 23 ou le Règlement. » [§ 74].
Sur un autre point, la Cour suprême « ne voit pas pourquoi la Cour d’appel a décidé que la présente affaire ne se prêtait pas à la définition des droits conférés [à la Commission scolaire] par la Loi sur les langues » du Yukon, en ce qui concerne l’usage du français dans les communications entre le gouvernement territorial et la Commission. « Il convient donc […] de statuer sur les demandes [de la Commission] lors du nouveau procès […], et non de rejeter [ces] demandes » [§ 76].
Tout en rejetant l’appel de la Commission scolaire, ce jugement de la Cour suprême définit clairement la question qui devra faire l’objet d’un nouveau procès : le refus de déléguer aux écoles de la minorité linguistique le pouvoir d’admettre des élèves dont les parents ne sont pas des ayants droit fait-il obstacle à la réalisation de l’objet de cet article? Il faudra donc attendre une nouvelle décision des tribunaux sur cette question.